Personnages présents dans les extraits :
1. Gontran, le
chef de service.
2. Bernard, un
cariste
3. Colette,
une trieuse
4.
André,
dit Dédé, un palettiseur
5. Olivia,
une trieuse
6. Lucien, le
chef d’équipe
7. Denis, l’intérimaire
qui va terminer son contrat
8. Marina, l’intérimaire
qui débute
9. Renée, la
femme de ménage
10. Clyde,
le
braqueur
11. Bonnie,
la
braqueuse
Acte 2 Scène 1
(Bernard, Gontran)
La salle est vide. Les tables sont à
leur position de départ. Bernard entre avec un journal et regarde la salle.
Bernard- Où qu’il est le Dédé ?
Il hausse les épaules avant d’aller jusqu’au
frigo. Il sort une pomme et une bouteille de jus de fruits. Il prend un verre
et un couteau sur l’évier et va s’installer sur la table à cour fond de scène.
Il aperçoit le journal d’André sur la
table voisine.
Bernard- Tiens, il est parti aux toilettes sans son
journal ?
Il le prend et l’ouvre à une page avant
d’éplucher méthodiquement sa pomme.
Un long moment. Gontran Villeneuve entre
précipitamment et est surpris de croiser Bernard.
Gontran- Bernard ? Qu’est-ce que tu fais là ?
Bernard- Et toi ? Qu’est-ce que tu fais là ?
Gontran- C’est déjà la pause ?
Bernard- Non, le tapis de triage est encore en panne.
J’ai appelé la maintenance, ils viennent d’ici une heure. Donc je suis monté
ici plus tôt.
Gontran- Ah ? Et…tu…tu vas rester longtemps
ici ? Avec ta pomme ?
Bernard- Le temps de la pause. Les autres finissent de
trier ce qu’il y a sur le tapis et viennent aussi. André doit être aux
toilettes, il était parti bien avant moi.
Gontran- Ah ! C’est que ça ne m’arrange pas
moi…j’attends quelqu’un…
Bernard- Tu as un rendez-vous dans la salle de
pause ? Qui c’est ?
Gontran- Trois fois rien…j’appelle pour annuler.
Il s’avance face public à jardin en
sortant un portable de sa poche. Bernard hausse les épaules avant de se replonger
dans son journal. Gontran compose un numéro et attend. Il a une attitude
impatiente et paraît tracassé.
Gontran- Merde, c’est occupé ! Évidemment !
Bernard- Un ennui ?
Gontran- Non, non…
Bernard- Au fait, tu avais entendu parler du plan de licenciement
qu’on nous a annoncé hier ?
Gontran- (Toujours face public) Pas vraiment. Des
bruits couraient mais bon.
Bernard- Et notre service va être touché ? Agathe
ne t’a rien dit là-dessus ?
Gontran- (sans
se retourner) Pourquoi Agathe me dirait-elle quelque chose ?
Bernard- Elle est responsable du personnel. Elle a dû
forcément en avoir eu vent avant les autres.
Gontran- Oui sans doute… (Son regard semble être attiré par quelque chose en contrebas) Dis-moi
Bernard…
Bernard- Oui ?
Gontran- C’est normal que deux types se promènent dans
l’entrepôt, déguisés en Père Noël ?
Bernard- Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?
Bernard se lève et vient près de
Gontran.
Gontran- Là…En bas…
Bernard- (Les
apercevant) C’est quoi ce cirque ?
Gontran- (Sidéré)
C’est moi qui ai la berlue ou l’un d’eux tient un fusil ?
Bernard- La vache ! Et je crois bien que le
deuxième a un revolver.
Ils se déplacent de jardin à cour, semblant
suivre la trajectoire des deux individus en contrebas. Ils sont de plus en plus
apeurés.
Gontran- Mais qu’est-ce qu’ils font ? Mais
qu’est-ce qu’ils font ?
Bernard- La vache ! Ils braquent les filles et
les deux intérimaires !
Gontran- Regarde ! Lucien vient de sortir du bureau !
Bernard- La vache ! Ils le mettent en joue avec
les autres !
Gontran- Merde ! Ils nous ont vus !
Ils s’éloignent tous les deux comme un
seul homme du bord de scène complètement choqués, se cramponnant l’un à
l’autre.
Bernard- La vache ! J’crois bien qu’ils vont
monter ici !
Gontran- L’un des deux a pointé son doigt vers la
salle pause ! Tu l’as vu, hein ? Tu l’as vu ?
Bernard- La vache ! La vache !
Gontran- Mais qu’est-ce qu’on fait ? Mais qu’est
qu’on fait ?
Bernard- La vache ! La vache ! La
vache ! La vache !
Gontran- Arrêtes de dire « la
vache ! », ça nous aide vraiment pas, merde !
Bernard- La vache ! C’est toi le chef après
tout ! Va leur parler !
Gontran- Moi ? Mais t’as vu la taille de leur
calibre ?
Bernard- Ouais j’ai vu ! Ah la vache ! Ton
portable ! Les flics ! Faut appeler les flics !
Gontran- C’est le téléphone d’entreprise ! Je ne
peux appeler l’extérieur que d’un fixe !
Bernard- Ah La vache !
Il va récupérer son couteau et revient en
vitesse près de Gontran.
Gontran- C’est ça ! Tu pourras en taillader un pendant
que l’autre te descend. Bravo,
Bernard !
Bernard- Oh ! T’as une meilleure idée toi ?
Gontran- Le placard ! Planquons-nous dans le
placard ! (on entend du bruit derrière les portes battantes de l’entrée. Aaaaah !
Ils arrivent !
Ils reculent jusqu’au coin cuisine mais sans
se cacher derrière la paroi. Ils resteront à portée de vue.
(Bernard, Gontran, Colette, Olivia,
Marina, Denis, Lucien, Bonnie, Clyde)
Tout le monde débarque en trombe dans la
salle de pause, les femmes poussent des petits cris apeurés. Les deux braqueurs
déguisés en Père Noël les mettent en joue nerveusement.
Denis- Bon, ça suffit quoi ! Ne poussez pas non
plus !
Clyde- Ta gueule le gringalet ! Tu vas dans le
fond avec les autres !
Les deux braqueurs aperçoivent Bernard
et Gontran. Ils les mettent en joue en même temps.
Bonnie- Toi ! Lâche ce couteau
immédiatement !
Bernard- (Lâchant
le couteau) Ah la vache ! Ce n’est pas à moi ! Ce n’est pas à
moi !
Bonnie- Ta gueule ! Avec les autres aussi !
Tout le monde à genoux, mains sur la tête devant cette vitre, là !
Tout le monde se met en ligne face
public sur le bord de scène, dans la position indiquée.
Clyde- Ça c’est bien parlé chérie ! Ah ! On
y voit déjà plus clair dans cette salle. !
Colette (A Olivia)- Je rêve où il l’a appelée « Chérie » ?
Olivia- Evidemment, c’est une femme là-dessous !
Bonnie- (Ramassant
le couteau) Je vous entends les deux
perruches ! Y’avait pas de costume de Mère Noëlle alors on a fait comme on
a pu.
Olivia- Je vous assure que vous le portez très
bien ! Au premier abord, on y croirait !
Bonnie- Ça va ! Fermez-la maintenant ! (À l’autre braqueur en posant le couteau sur
la table à jardin fond de scène) Bon, « Clyde » qu’est-ce qu’on
fait à présent ?
« Clyde » ne répond pas,
semblant ne pas avoir entendu. Elle le bouscule du bout de son revolver.
Bonnie- Oh ! « Clyde » !
Qu’est-ce qu’on fait ?
Clyde- « Clyde »… Ah oui, c’est vrai c’est
moi.
Bernard (À
Denis) - Clyde, c’est un drôle de nom pour un Père
Noël.
Denis- C’est un pseudo. Il a appelé la
femme « Bonnie » tout à l’heure.
Bernard ne semble pas comprendre.
Denis- BON-NIE ! « Bonnie and
Clyde » ! Le film avec les deux braqueurs ! La chanson de
Gainsbourg !
Gontran (Dépité)- Ce n’est pas vrai, c’est un cauchemar !
Clyde- Bon, la ferme tous ! Laissez-nous
réfléchir !
Bonnie- Alors comment on procède ? C’est quoi la
suite du plan ?
Clyde- La suite du plan….Oui….la suite du plan….
Bonnie- Tu as bien un plan ?
Clyde- C’est que…
Gontran (À
Lucien) - Il n’a pas de plan.
Lucien – Non,
il n’a pas de plan.
Bonnie- On vous a dit de la fermer ! Bien sûr
qu’il a un plan ! (À Clyde)
Hein ? Tu as un plan ?
Clyde- (baissant
son fusil avec lequel il tenait en joue les autres) Vois-tu, on a maitrisé
assez facilement le gardien à l’entrée, chérie…
Bonnie- Oui, ça il a fait dans son froc !
Clyde- (Plus
bas) Et j’me voyais pas aller plus loin que le poste de garde en
fait ! Ni qu’on prenne autant de monde en otage !
Denis (A
Bernard) - Il n’a pas de plan.
Bernard – Non,
il n’a pas de plan.
Clyde- (les
remettant en joue) Si ! On a un plan ! Et même un sacré putain de
bon plan ! Vous croyez qu’on s’introduirait dans votre boîte si on n’avait
pas un plan ?
Silence total des autres. Marina qui
n’avait rien dit jusqu’à présent lève timidement un doigt.
Bonnie- Qu’est-ce que tu veux toi ?
Marina- Excusez-moi…si je peux me permettre…Vous
n’êtes pas venus pour nous mettre à genoux dans la salle de pause. Vous êtes
venus pour voler quelque chose.
Gontran – A
part le distributeur, il n’y a pas d’argent ici.
Clyde- C’est ça ! On est venu pour voler
quelque chose ! Mais ce n’est pas l’argent !
Lucien
- Qu’est-ce que
vous voulez alors ?
Bonnie- Ôtez moi d’un doute ! On est bien dans
l’usine de rêves ici ?
Lucien
- Euh… pas tout à
fait. Nous sommes le service des invendus.
Clyde- C’était quoi dans les cartons en bas
alors ?
Lucien
- ….euh…les
invendus.
Colette (A Olivia)- Il n’a pas l’air d’avoir inventé l’eau chaude
le Père Noël…
Olivia- Tais-toi ! Ne vas pas les énerver !
Bonnie- Les invendus de quoi ?
Gontran – Les
rêves ! Les rêves invendus ! C’est ici qu’ils reviennent !
Bonnie- Quoi ? Ils sont cassés ?
Gontran – Non,
ils ne se vendent pas. Ce sont les rêves invendus. C’est pour cela que l’on
appelle le service celui des invendus.
Bonnie & Clyde (approuvant en même temps) – Ah…Le
service des invendus…
On perçoit du bruit en coulisses, du coté
du placard à balais. Seul, Clyde semble l’entendre.
Clyde- Chut ! Plus un mot ! Le premier qui
bouge, on le descend. (Doucement à Bonnie)
Il y a quelqu’un là-dedans !
Bonnie recule de quelques pas .Il
s’approche doucement de la porte et se prépare à l’ouvrir vérifiant avant que
Bonnie le couvre à l’autre bout de la salle.
Acte 2 Scène 3
(Tous sauf Agathe)
La porte s’ouvre subitement et Renée
bondit en donnant un coup de manche à balai sur le bras de « Clyde ».
Tous les otages sursautent mais restent à genoux.
Clyde- Aie ! Mais qu’est-ce que …. !
Le fusil tombe. Renée plaque l’homme sur
une table avec son balai. Bonnie ne sait pas quoi faire. André sort à son tour
et ramasse l’arme pour le pointer vers « Bonnie » mais celle-ci a enfin
réagi et a attrapé Marina qu’elle menace de son revolver. Les autres qui
s’étaient en partie retourné en attendant les bruits de lutte ne bougent plus,
tétanisés par la peur.
Bonnie- Ça suffit les deux rigolos ! Toi la furie !
Lâche mon mari ! Et toi pose ce fusil sinon
je bute la gamine !